miércoles, 16 de septiembre de 2015

Entre chirurgie esthétique et art contemporain, la folie Orlan en cinq œuvres bien barrées




Née Mireille Suzanne Francette Porte en 1947 à Saint-Etienne, devenue Orlan dans les années 1960, la plasticienne a désigné son corps comme  « le lieu du débat public ». Retour sur cinq œuvres qui résume sa démarche artistique.
L'exposition s'ouvre sur un tableau constitué de 18 photographies noir et blanc d'Orlan, mises en scène à partir du drap de son trousseau — le trousseau étant le linge que la famille offrait à sa fille le jour de son mariage —.
Le premier des ces 18 tableaux vivants représente Orlan telle une madone baroque, le dernier un simple amas de tissu. Entre-temps, Orlan a perdu son voile, libéré ses cheveux, abandonné ce drapé qui l'entravait. Cette œuvre condense tout un pan de l'histoire de l'art, de l'image de la Vierge jusqu'à celle de Vénus. Elle met en scène la naissance d'Orlan, une artiste qui accouche d'elle-même, s'échappe de son trousseau comme la Venus de Boticelli de son coquillage, et annonce « Le Baiser ».

Une installation conçue comme un diptyque : à gauche sainte Orlan, à droite le buste utilisé lors de la fameuse performance réalisée à la FIAC en 1977, au cours de laquelle Orlan proposait aux visiteurs un baiser contre une pièce de 5 francs à glisser dans une fente placée à la base de son cou. « Le strip-tease au delà de la peau est impossible, il y a toujours des apriori qui recouvre le corps des femmes », précise Orlan.

Une projection vidéo présente ensuite Orlan en écorché, un autoportrait en 3D sans la moindre parcelle de peau de l'artiste mais où tous les muscles, toutes les veines sont montrés. Tel un écorché version cyborg. Cependant, si Orlan est considérée comme une pionnière de l'art charnel, son travail se distingue des pratiques masochistes de certains tenants du Body Art. Son écorché évoque davantage un modèle extrait d'une planche anatomique du XVIe siècle qu'à un supplicié du théâtre des martyrs. Car Orlan l'affirme « Je peux voir mon propre corps ouvert sans en souffrir ».
Cette œuvre en 3D réalisée à partir d'images médicales révèle une silhouette charpentée, plus proche des Vénus préhistoriques que des standards de beauté actuels. Cet avatar qui lui permet de rejouer toutes ses performances, porte deux brassards verts acide (couleur identique à celle des deux implants qui encadrent son visage). Et au ralenti, il lève le bras pour prendre la pose de la statue de la Liberté. Celle d'une l'artiste qui « questionne le statut du corps dans la société, via les pressions, politiques, culturelles, religieuses et sociales qui s'inscrivent dans les chairs. »

Entre 1991 et 1993, Orlan subit 9 opérations de chirurgie esthétique qui seront mises en scène et retransmises en public. Ces transformations physiques – dont la pose d'implants protubérants sur les tempes — relèvent d'une décision artistique : Orlan souhaite « se faire une nouvelle image pour faire de nouvelles images, retirer le masque de l'inné et redéfinir le principe même de l'identité ». Elle adapte donc à son visage la technique picturale du sfumato (NDLR : utilisée notamment par Léonard de Vinci, elle consiste à noyer les contours). Une vidéo retrace ses différents passages au bloc opératoire, dont le sixième pendant lequel elle lit à haute voix la préface du livre Le Tiers instruit de Michel Serres. Car toutes ses opérations-performances sont issues de lectures philosophique, psychanalytique ou littéraires, de Deleuze et Guattari à Julia Kristeva, Antonin Artaud ou Alphonse Allais. Quant à la chair extraite au cours de ces multiples opérations, elle figure désormais au cœur de stèles en verre sur lesquelles sont gravées en 15 langues différentes des extraits du texte de Michel Serres (« Le monstre courant tatoué, ambidextre, hermaphrodite et métis, que pourrait-il nous faire voir à présent sous sa peau ? Oui le sang et la chair… ») mettant ainsi en évidence un rapport entre la chair et le verbe.
Orlan mélange ses traits par ordinateur avec ceux d'individus ou de statues issus de culture africaine, amérindienne, précolombienne, égyptienne, mérovingienne… En étudiant leurs standards de beauté (déformation du crâne, strabisme, faux nez…), elle propose un autre modèle, une hybridation. « Après mes opérations chirurgicales, explique-t-elle, j'ai compris qu'on ne peut pas dire "je suis", mais "je sommes"... parce qu'on est fabriqué par les autres ». Les « Self Hybridations » seraient donc une autre façon de se métamorphoser, de « brouiller les cartes, de transformer le réel en virtuel et vice versa ». Mais cette série est aussi une hybridation entre la photographie digitale et la sculpture, la peinture et les nouvelles technologies. En 2013, une œuvre conçue à partir d'un scan du crâne d'Orlan (et exposée à Enghien) rend visible un implant dentaire à base de bœuf. L'artiste qui, toute sa vie a essayé de casser les barrières, les murs entre les générations, les sexes, les cultures et les pratiques artistiques, peut donc aujourd'hui proclamer : « Je suis hybridée avec un bœuf ».

Sur les cimaises du centre des Arts sont exposés quatre portraits d'Orlan, tous inspirés de l'Opéra de Pékin. Mais face à cet accrochage traditionnel, le visiteur muni d'un smartphone ou d'une tablette n'est pas à l'abri des surprises. En scannant le tableau comme un quelconque QR code, il découvre Orlan effectuant des acrobaties tel un acteur du spectacle chinois. Jaillissant de la toile, elle porte tatouages et maquillage qui correspondent aux motifs de la toile. Mais au fur et à mesure de son numéro, ils s'effacent laissant Orlan le visage nu. Si en créant cette série, la plasticienne aborde l'idée du travestissement (en soulignant l'interdiction faite aux femmes de jouer et de chanter à l'Opéra de Pékin), elle est surtout la première à utiliser la réalité augmentée. Pas comme un simple gadget, mais comme une technique qui enrichit son œuvre. Cette version animée du corps d'Orlan, le visiteur la retrouve dans le jeu intitulé « tuer n'est pas jouer ». Il suffit d'enfiler deux bracelets noirs pour entrer dans un décor 3D et dans la peau d'une héroïne au physique non stéréotypé chargée de reconstruire des œuvres d'art détériorées. Une Lara Croft sans les canons de la beauté féminine et le fusil à pompe…

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BLANCA ORAA MOYUA

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