jueves, 22 de octubre de 2015

Art contemporain, la foire aux nouveaux jobs à la con





La Fiac ouvre ses portes et le marché de l’art ne s’est jamais si bien porté. En témoigne l’éclosion de nouveaux métiers, entre petits jobs et salaires confortables. Le secteur recrute: Slate a mené l’enquête.

1.Concepteur-linguiste

«Le secteur est toujours à la recherche de plumes capables de formaliser et conceptualiser les nouvelles tendances», explique Edmond Driant, conseiller artistique à pôle emploi. Le monde de l’art est friand de «terminologies un peu abstraites, d’oxymores spécieux. Une seule règle: le concept doit être incompréhensible par le grand public. Les profils avec double formation en linguistique et sémiologie sont très recherchés. Avoir travaillé dans les services centraux du ministère de l’Education nationale constitue un plus. Comme job d’appoint, on peut aussi écrire des étiquettes dans les musées.»
Une légende au Mac Val, Musée d’art contemporain du Val de Marne (photo de l’auteur)
 

2.Énarque

On a toujours besoin d’un énarque pour créer des buffets dînatoires dans les établissements culturels. Mieux vaut postuler avant les fins de quinquennat, toujours très embouteillées.

3.Outragé catholique


«Mon agence est spécialisée dans les figurants catholiques, détaille Eva Tikan, de l’agence CathoChoc. J’ai beaucoup de clients mais vous comprendrez que je ne les cite pas nommément.» C’est un métier bien rémunéré mais précaire. «En général, on nous prévient deux ou trois jours avant l’exposition de l’œuvre ou la projection d’un film. Notre charte est stricte: nous ne prenons que des incultes animés par une foi vibrante. La presse adore. Il suffit d’envoyer deux ou trois excités avec des cierges, de proposer l’exclu à Libé ou aux  Inrocks et on a tout de suite une très bonne couverture médias. C’est un excellent retour d’image pour l’artiste; le coût est faible au regard de la progression de sa cote.»
CathoChoc dispose aussi d’outragés islamiques «mais c’est beaucoup plus difficile de mobiliser les journalistes avec ça. Il n’y a que Caroline Fourest que ça intéresse. Et encore…»
L’agence fait parfois face à des demandes très pointues, comme des outragés anti-Renoir.«Il y en a peu, il faut les former.»

4.Vandale agrée

C’est un «métier très porteur en ce moment. Les artistes sont très demandeurs et les municipalités s’y mettent», observe Jean-Claude Van Dall, fondateur du cabinet éponyme. On voit de plus en plus arriver des «commandes publiques mixtes incluant l’œuvre et sa vandalisation –comme au Château de Versailles ou place Vendôme. Voire sa mise au rebut, génial geste ultime du Département de la Vendée Ces commandes mixtes«sécurisent les intervenants et leur permettent de bien préparer la vandalisation. Evidemment c’est un métier à risques mais les cachets sont intéressants».
Comme il y a souvent du travail de nuit, le métier est éligible au compte pénibilité. En général il y a un fixe et un intéressement lié à l'augmentation de la côte des artistes vandalisés. «Il y a des primes aussi, pour des tags antisémites, par exemple.»

5.Commissaire briseur

Le métier commence à peine à émerger. Il s’agit de pratiquer du vandalisme live lors de ventes aux enchères. «C'est un peu dommage car on va vers du vandalisme normé, quasi-industriel. C'est la mort du petit artisan qui vandalise la nuit, par amour de l'art», regrette Jean-Claude Van Dall. Il y a aussi la concurrence déloyale des villes qui vandalisent elles-mêmes les œuvres avec l’argent du contribuable.
Fontaine, créée par Alain Mila repeinte en bleu par la mairie FN à Hayange en Moselle le 28 juillet 201

6.Vendeur de cutter à la sauvette

Il y a «de plus en plus de visiteurs de musées qui veulent devenir artistes en dégradant des toiles, estime Edmond Driant. Ils se prennent parfois pour Lucio Fontana, mais il s’agit en général d'amateurs qui intellectualisent trop le geste et oublient les accessoires.» Il est tout à fait possible de se mettre à son compte ou de rejoindre un réseau de franchisés «spécialisés en objets d’expression artistique spontanée: cutters,marqueurs ou bombes de peinture. Il suffit de se positionner à l'entrée des principaux musées.» Nombre d’entre eux sont d’anciens vendeurs de cadenas aux ponts des Arts. Il est également possible de décrocher des CDD pour participer à des dégradations sous forme de performances.
Edmond Driant déplore le projet d’appli pour «lacérer des chefs d'œuvre en ligne, à l’initiative du ministère de la Culture. Ca ne créera pas d’emploi…»

7.Installateur

Pour les installations d’artistes, tous les corps de métiers peuvent être sollicités. Avec la crise du bâtiment, de nombreux ouvriers tentent leur chance, observe Edmond Driant. 
«Ils interviennent en amont pour balancer des gravats ou disperser divers matériaux, juste avant la signature de l’artiste. Leur expérience acquise sur les chantiers les rend précieux.»
Certains d’entre eux peuvent aussi trouver des jobs d’appoint, comme à la RATP où beaucoup de stations disposent d’installations quasi-permanentes. «On doit trouver des seaux, des trucs comme ça, faire jaillir des flaques. C’est un travail de précision, rien n’est laissé au hasard», indique Paul-Edouard, ancien manutentionnaire chez Bouygues, qui se définit comme un «Tinguely de l’ombre».
À la RATP, derrière le chef-d’œuvre, il y a souvent de modestes installateurs (photo de l’auteur).
Installation précaire sur le chemin du Louvre Lens (photo de l’auteur). Ce « du balai » s’adresse évidemment à l’art ancien, formolisé.

8.Excrémenteur

Depuis la Merda d’Artista de Piero Manzani, la demande de déjections a connu des hauts et des bas mais ne s’est jamais démentie. Or, aujourd’hui, les artistes sont «tellement occupés par la création qu'ils n'ont plus le temps de produire leurs propres excréments»et en sont parfois réduits à faire de la merde en plastique.
«Nous fournissons des excréments certifiés ISO 15001, explique Nadia Ray, à la tête de la start-up Durchfall express. Nous produisons aussi de l’urine ou de la morve mais sur commande uniquement car la demande est plus faible.»
Malgré Chris Ofili et son crottin d’éléphant, les déjections animales «sont passées de mode et nous avons subi la crise de la bouse de yack comme tout le monde. Nous avons des clients fidèles dans toute la scène trash. On nous demande de plus en plus des cacas issus d’une alimentation 100% bio.»
Black virgin Mary, Chris Ofili, avec de l’«elephant dung» dedans, vendue 2,9 M £ en juin 2015

9.Millionnaire chinois

«Je suis millionnaire chinois à temps partiel, explique Chin Lee, serveur dans un fast-food porte d’IvryÇa arrondit mes fins de mois. Mon rôle est d'acquérir des œuvres dont on veut gonfler la cote. Dans les ventes aux enchères, j'interviens en général avec un pseudonyme qui permet aux collectionneurs occidentaux de m’identifier facilement, Monsieur Nem par exemple. Ma méthode d’achat est très simple: “Quel que soit votre prix, j’en offre le double!”»

10.Incubateur d’artistes 2.0

Le propriétaire de squat’ a vécu, il est aujourd’hui «incubateur d’artistes», à l’image de Clara Vage, de l’agence immobilière Real Est’art. «Vivre et exposer dans un squat’ permet de revendiquer la précarité révolutionnaire et créatrice, ce dont les collectionneurs sont friands.» Pour les propriétaires d’immeubles, il y a de nombreux avantages: «les artistes sont des locataires solvables, parce qu’ils ont beaucoup d’aides publiques. Et, bien tagué et dégradé, un immeuble peut se revendre très cher.»
On voit apparaître des squats haut de gamme avec des «prestations sur mesure: bureaux désaffectés appartenant à une entreprise néolibérale (les banques sont très prisées), façade donnant sur une artère passante (rue de Rivoli, par exemple), expulsions programmées par des forces de l’ordre crypto-fascistes avec couverture presse». Signe de cet engouement: la Mairie de Paris réfléchit à ses propres Squat’Labs.

11.Directeur d’usine pétrochimique

La multiplication des tirages spéciaux à grand échelle offre une «deuxième chance à des entreprises de la pétrochimie, touchées par la crise économique», poursuit Edmond Driant. Elles peuvent produire en masse des séries limitées pour Jeff Koons ou Paul McCarthy, à «très bas coût, très loin de ce que payent les amateurs évidement. Avec la chute des prix du pétrole, le cours du plastique n’a jamais été aussi bas. Ça n’a pas échappé aux artistes américains qui ont tous un petit côté texan…»

12.Figurant nu

Avant j'étais modèle aux beaux-arts, maintenant je fais de la nude pour des performances, c’est mieux payé, explique Marie, qui préfère garder l’anonymat, « pour ne pas être reconnue. » Je fais parfois des « doublures pour des artistes comme Milo Moiré, lorsqu’ils se font arrêter ou juste s’ils vont faire pipi, afin que la performance puisse continuer. J’ai été remarquée en faisant des nudes pour la cause animale. C’est toujours bien d’avoir ça sur son CV. 

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BLANCA ORAA MOYUA

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