Je suis arrivée à 11h du matin en taxi dans ce quartier périphérique de Pékin. Etait ce là ? Sous le numéro de la rue l’inscription FAKE qui semblait être le nom de l’habitant du lieu. Juste en face un vélo était posté près d’un arbre qui contenait un panier rempli harmonieusement de fleurs colorées. Oui cela devait bien être là. Je sonne. Un jeune homme anglophone m’introduit dans une cour. Des arbres, des plantes, des sculptures chinoises anciennes… Sur le mur un néon forme en grand le mot : FUCK. Bienvenue chez Ai Weiwei la star des refuzniks de l’art contemporain chinois. J’avais quelques doutes sur la sincérité de l’artiste, peut-être à cause de son hyper médiatisation. Mais avant l’entretien un ami chinois que j’estime m’a prévenu : « Ai Weiwei est important pour la Chine. Il nous apprend à penser différemment ».
Le maestro arrive donc. Il est en bermuda et mules en plastique. Il a une tête de sage chinois comme dans les peintures anciennes. Son ventre plus que rond ne peut plus être dissimulé par son t-shirt bleu roi.
Nous nous installons de l’autre coté de la cour. Le lieu est vaste. Dans une salle adjacente des assistants s’activent. Ai Weiwei a l’habitude de recevoir des journalistes. Une dame qui se charge du service m’amène sans que rien ne soit demandé, un verre d’eau et pour lui une tasse de thé Long Jin.
Ai Weiwei Pop star m’intéresse moins que son moteur créatif. Lui a déjà pris sa posture d’interviewé blasé. Il pianote sur son téléphone. Prends en photo ses chats, et encore ses chats mes baskets, mes bagues... Il me fait là penser à Warhol qui racontait qu’il aimait allumer la télé lorsqu’il était avec quelqu’un afin de faire diversion, de ne pas recevoir tout la sensibilité et l’ennuie aussi de la personne. Ai Weiwei a peur de s’ennuyer. Il n’en reste pas moins aimable.
Depuis quelque temps l’artiste explore beaucoup la culture chinoise ancienne. Il raconte qu’au Louvre en septembre dans l’exposition orchestrée par le par ailleurs patron du Palais de Tokyo, Jean de Loisy il montrera une architecture chinoise ancienne. « Il y a une nécessité humaine à utiliser le passé ». Il raconte que la visite des lieux de ses prochaines expositions -il est interdit de sortie du territoire chinois car on lui a confisqué son passeport- se fait par internet. « Regarder à travers la caméra c’est très vrai. Je vis dans cette réalité là. C’est une partie de moi. Je peux sentir la froideur de l’ordinateur. C’est la partie inhumaine de la réalité actuelle. Par toute cette virtualité je suis protégé. Je n’attrape pas de maladies (rires). »
Je l’interroge sur son interdiction de mouvements par les autorités. « Je peux voyager en Chine mais vous avez toujours des touristes pour me prendre partout en photo et finalement vous vous apercevez qu’il ne s’agit pas de touristes ».
Je l’interroge sur son désir de faire grand, très grand, comme dans les deux galeries de Pékin où il montre en ce moment respectivement deux morceaux d’un même temple ancien monumental ou dans un troisième espace dans lequel il a conçu un faux arbre géant à partir de branches mais sans racines ni feuilles.... « Si tu fais des petites choses les gens oublient. J’ai besoin d’être remarqué si je fais un travail. Si tu fais du bruit on doit t’entendre ».
Et la copie, qu’il utilise beaucoup dans son travail ? Que pense t-il de la copie ? « La copie ça n’est jamais refaire la même chose puisque le contexte est différent. Il faut respecter les règles du copyright mais il existe différents niveaux de copies. L’art c’est la transformation. Rembrandt était un copieur. D’ailleurs un moins bon copieur qu’une photocopieuse Philips ».
Ai Weiwei commence à s’intéresser à la conversation. Il lâche même son téléphone.
On parle de son père un poète moderne, bien connu en Chine décédé en 1996. « Il vivait très honnêtement. Il ne cachait jamais sa haine ou son amour. Il était bon. Moi je ne suis pas bon. J’aime casser les règles. Je dois trouver une manière de me calmer, de limiter mes pensées. Lorsque la police m’a interrogé leur conclusion a été simple : il a regardé trop de films hollywoodiens. L’art est un langage parallèle au fait politique. J’ai essayé d’échapper au fait politique. »
Puis il raconte sa découverte des Etats-Unis alors qu’il était jeune, son premier voyage à New York : « j’ai pensé que j’avais atterri dans un zoo. Moi je ne voulais pas avoir du succès. Je voulais faire quelque chose en tant qu’artiste. A l’époque la Chine n’attirait pas encore l’attention. Je ne voulais pas faire de la peinture. En plus ça sentait mauvais. Puis j’ai découvert Marcel Duchamp par le biais de l’œuvre de Jasper Johns. Marcel Duchamp était très français, très détaché avec une certaine sagesse. Le genre d’artistes que j’aime. Tout son travail c’est du flirt. Il est léger . Il est au dessus. Il regarde la vie en couleurs. Moi aussi j’essaie de faire léger ».
Je fais remarquer que par exemple son œuvre qui consiste en une caméra en marbre est tout sauf légère. « J’ai 20 caméras autour de la maison. Pourquoi l’Etat doit il savoir tant de choses ? Après on entend que les Etats-Unis espionnent les leaders français et on réalise que les leaders politiques veulent des commérages. Je paie pour ce que j’ai fait car j’ai du le mériter. J’ai du causer des problèmes. Si tu ne penses pas comme cela tu te fais trop de mal. Tu dois accepter la situation car cette situation n’est pas rationnelle. Mon objectif est de rendre le monde plus vivable et donner de l’espoir. Le succès est synonyme de liberté. Il veut dire aussi être aimé par les gens. J’aime flirter avec le monde ».
Ai Weiwei flirte avec le monde avec talent . Il sera l’objet d’une rétrospective à la Royal Academy à Londres en septembre, le même mois présent au Louvre dans une exposition de groupe, en novembre à Copenhague en décembre à Helsinki et Pitssburgh et comme il me l’a annoncé, en janvier à Paris encore, invité du grand magasin Le Bon Marché
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